A partir de 1887, Paul Cézanne va sur le motif et s’installe souvent « sur les hauteurs pour apercevoir ceux qui pourraient le déranger et le surprendre au travail ».
Le Tholonet qui a vu le jeune Cézanne courir les collines avec ses camarades, le retrouve souvent dans les vingt dernières années de sa vie quand il ne quitte plus guère Aix-en-Provence. A cette époque, il prend ses repas chez Mme Berne, au restaurant qui deviendra plus tard le Relais Cézanne. Elle sait ses goûts et lui prépare de savoureux canards aux olives et du boeuf en daube dont il est friand et qu’il aime faire apprécier à ses amis, notamment au sculpteur Solari.
. Château Noir
Aimant la solitude pour s’adonner à ses recherches picturales, il loue deux pièces dans ce château réputé pour ses légendes.
En effet, on raconte que ce serait un riche marchand de charbon qui au XIXème siècle l’aurait fait construire et badigeonner de noir.
D’autres rapportent que le premier habitant fut un fervent des sciences naturelles soupçonné d’entrer en rapport avec le diable, d’où le nom de « Château du diable » qu’il porta longtemps.
La réalité est plus prosaïque. Le constructeur fabriquait du noir animal (pigment noir obtenu en calcinant des os en vase clos) à Marseille qu’il utilisait pour enduire les murs extérieurs.
Mais le noir ne résista pas aux pluies et les pierres de Bibémus retrouvèrent leur couleur d’origine.
. Evolution picturale
La dernière époque de Château Noir témoigne d’une sourde angoisse de Paul Cézanne. Précédemment, si la composition et les couleurs restaient lumineuses, les motifs tendaient à devenir plus mouvementés.
A force d’enchevêtrement des arbres et des buissons, la vision devient chaotique. La nature éclate et le peintre s’attache à reconstruire cette vision, à donner un sens à ce chaos même si, dit-il, « je ne pense à rien quand je peins. Je vois des couleurs. Je peins, je jouis à les transporter telles que je les vois sur ma toile. Elles s’arrangent au petit bonheur comme elles veulent. Des fois, ça fait un tableau ».
« Peindre, dit Cézanne, ce n’est pas copier servilement le motif, c’est saisir une harmonie entre des rapports nombreux. Le but est de mettre le plus de rapports possibles ».
Ce que recherche Cézanne, c’est être objectif dans la perception qu’il a de la nature. Il essaie plusieurs points de vue, indiquant ainsi qu’une forme n’existe que sous plusieurs formes et par rapport à un corps qui se déplace, à un regard qui n’est jamais le même et constamment mobile.
C’est devant Sainte-Victoire que Cézanne s’est efforcé de pénétrer les problèmes de l’espace et de la couleur.